La question du raccordement multiple de conducteurs sur un même disjoncteur divisionnaire représente l’un des défis techniques les plus fréquents rencontrés par les électriciens et les particuliers lors de travaux de rénovation électrique. Cette problématique revêt une importance capitale, car elle touche directement à la sécurité des installations et à la conformité réglementaire. Les nouvelles constructions et les rénovations d’envergure nécessitent souvent l’optimisation de l’espace disponible dans les tableaux électriques, poussant certains à envisager des solutions de raccordement qui peuvent s’avérer risquées. Comprendre les règles en vigueur et les alternatives autorisées constitue un prérequis indispensable pour tout professionnel ou amateur éclairé souhaitant respecter les normes de sécurité électrique.
Réglementation NF C 15-100 sur le raccordement multiple de conducteurs
Article 444.5.1 : règles de connexion des conducteurs de même section
L’article 444.5.1 de la norme NF C 15-100 établit un cadre strict concernant le raccordement de conducteurs multiples sur une même borne de disjoncteur. Cette disposition technique précise que deux fils maximum peuvent être raccordés par borne , sous réserve que le fabricant du matériel électrique l’autorise explicitement dans sa documentation technique. La règle fondamentale stipule que les conducteurs doivent impérativement présenter la même section nominale pour garantir un serrage homogène et éviter les points chauds générateurs d’échauffements dangereux.
Les fabricants comme Legrand, Schneider Electric ou Hager spécifient dans leurs notices techniques les capacités de raccordement de leurs disjoncteurs. Par exemple, un disjoncteur Legrand DX³ de 16A peut accepter deux conducteurs de 2,5 mm² sur chaque borne de sortie, mais cette possibilité reste conditionnée au respect des règles de mise en œuvre. Le non-respect de ces spécifications expose l’installation à des risques d’échauffement, de déconnexion intempestive et potentiellement d’incendie.
Limitations imposées par l’amendement A5 de 2015
L’amendement A5 de 2015 a renforcé les exigences de sécurité en matière de connexions électriques, introduisant des restrictions supplémentaires sur le raccordement multiple. Cette évolution réglementaire a notamment interdit le raccordement en parallèle de conducteurs de sections différentes, une pratique autrefois tolérée dans certaines configurations spécifiques. L’amendement précise également que les connexions multiples ne peuvent être réalisées que dans des borniers spécialement conçus à cet effet.
Ces nouvelles dispositions s’appliquent particulièrement aux installations neuves et aux rénovations totales, où le respect de l’amendement A5 conditionne l’obtention du certificat de conformité Consuel. Les professionnels doivent désormais justifier techniquement chaque raccordement multiple en s’appuyant sur les données constructeurs et les calculs de charge appropriés.
Dérogations pour circuits spécialisés 32A et protection différentielle
Certaines dérogations permettent le raccordement multiple dans des configurations particulières, notamment pour les circuits spécialisés de forte puissance. Les disjoncteurs 32A destinés à l’alimentation de plaques de cuisson ou de chauffe-eau peuvent, sous conditions strictes, accepter deux départs vers des appareils de puissance équivalente. Cette possibilité reste cependant soumise à l’accord préalable du bureau de contrôle et nécessite une justification technique détaillée.
La protection différentielle impose également des contraintes spécifiques. Un interrupteur différentiel 30mA peut alimenter plusieurs disjoncteurs avec raccordements multiples , mais la somme des courants de fuite ne doit pas dépasser 15mA pour éviter les déclenchements intempestifs. Cette règle s’avère particulièrement critique dans les installations comportant de nombreux appareils électroniques générateurs de courants de fuite.
Sanctions et non-conformité au consuel lors du contrôle électrique
Le non-respect des règles de raccordement multiple expose l’installation à un refus de conformité lors du contrôle Consuel. Les statistiques récentes indiquent que 12% des refus de conformité concernent des défauts de raccordement dans les tableaux électriques, dont une part significative liée aux connexions multiples non conformes. Cette situation entraîne des retards dans la mise en service et des coûts supplémentaires de mise en conformité.
Les sanctions peuvent également revêtir un aspect assurantiel, les compagnies d’assurance pouvant refuser la prise en charge de sinistres électriques en cas de non-conformité avérée. La responsabilité civile et pénale de l’installateur peut être engagée en cas d’accident lié à une connexion défaillante, d’où l’importance cruciale du respect scrupuleux de la réglementation.
Techniques de raccordement autorisées selon le type de disjoncteur
Borniers à vis legrand DX³ et schneider electric multi 9
Les disjoncteurs à borniers à vis offrent généralement plus de flexibilité pour les raccordements multiples, sous réserve du respect des spécifications constructeur. Le système Legrand DX³ permet le raccordement de deux conducteurs rigides ou souples de même section dans une plage comprise entre 1,5 mm² et 6 mm². La procédure de raccordement exige un dénudage précis des conducteurs sur 12mm et un couple de serrage de 2,5 Nm pour garantir une connexion fiable.
Les disjoncteurs Schneider Electric Multi 9 proposent une technologie similaire avec des borniers à cage métallique acceptant deux conducteurs par borne. La particularité de ces borniers réside dans leur capacité à maintenir une pression de contact constante , réduisant les risques de desserrage dus aux dilatations thermiques. Cette caractéristique s’avère particulièrement appréciée dans les environnements soumis à des variations de température importantes.
Systèmes de connexion automatique hager série MBN
Les disjoncteurs Hager série MBN intègrent un système de connexion automatique révolutionnaire qui simplifie considérablement les raccordements multiples. Ces borniers sans vis acceptent directement deux conducteurs souples ou rigides par simple insertion, l’ouverture s’effectuant à l’aide d’un tournevis plat. Cette technologie réduit significativement le temps d’installation tout en garantissant une connexion optimale.
L’avantage principal de ce système réside dans l’impossibilité de sur-serrer ou de sous-serrer les connexions, source fréquente de défaillances. Les tests de vieillissement accéléré démontrent une résistance de contact stable sur plus de 10 000 cycles de connexion/déconnexion, attestant de la fiabilité à long terme de cette technologie. Le système accepte des conducteurs de 0,75 mm² à 4 mm² avec une force de maintien constante de 150N par contact.
Répartiteurs modulaires gewiss GW90 pour circuits d’éclairage
Les répartiteurs modulaires Gewiss GW90 représentent une alternative élégante au raccordement multiple direct sur disjoncteur. Ces dispositifs, d’encombrement réduit (17,5mm de largeur), permettent la distribution d’un circuit principal vers quatre départs secondaires avec une capacité maximale de 63A. Cette solution s’avère particulièrement adaptée aux circuits d’éclairage où la multiplication des points lumineux nécessite de nombreuses dérivations.
L’installation de ces répartiteurs dans la GTL (Gaine Technique Logement) offre une accessibilité optimale pour la maintenance et les modifications ultérieures. Chaque sortie dispose de son propre bornier de raccordement , éliminant les problèmes de serrage inégal rencontrés avec les raccordements multiples traditionnels. La visualisation des connexions facilite grandement le dépannage et la traçabilité des circuits.
Peigne d’alimentation horizontal et vertical pour tableaux resi9
Le système de peignes d’alimentation Schneider Resi9 révolutionne l’approche traditionnelle du câblage de tableaux électriques. Ces dispositifs permettent l’alimentation simultanée de plusieurs disjoncteurs sans raccordement multiple sur les bornes individuelles. Le peigne horizontal distribue l’alimentation sur une rangée complète, tandis que le peigne vertical assure les liaisons inter-rangées avec une capacité allant jusqu’à 125A.
Cette technologie présente l’avantage de standardiser les connexions et de réduire considérablement le nombre de points de raccordement manuel. Les statistiques d’installation montrent une réduction de 60% du temps de câblage comparativement aux méthodes traditionnelles, tout en améliorant la fiabilité globale de l’installation. Le système intègre des détrompeurs mécaniques empêchant les erreurs de raccordement phase/neutre.
Calcul de la section des conducteurs et intensité admissible
Le calcul précis des sections de conducteurs constitue un prérequis fondamental avant d’envisager tout raccordement multiple. La méthode de calcul intègre plusieurs paramètres critiques : la puissance des charges alimentées, la longueur des circuits, le mode de pose, la température ambiante et le facteur de simultanéité. Pour un raccordement multiple, l’intensité totale ne doit jamais excéder 80% de l’intensité admissible du conducteur le plus faible, garantissant ainsi une marge de sécurité suffisante.
Les tableaux de l’annexe B de la norme NF C 15-100 fournissent les intensités admissibles en fonction des conditions d’installation. Par exemple, un conducteur en cuivre de 2,5 mm² installé en encastrement sous conduit supporte 23A, mais cette valeur chute à 18A en cas de regroupement avec d’autres circuits. L’application de coefficients correcteurs devient indispensable pour déterminer l’intensité admissible réelle dans chaque configuration spécifique.
La prise en compte de la chute de tension s’avère également cruciale, particulièrement pour les circuits d’éclairage où une chute excessive peut affecter l’efficacité lumineuse. La formule de calcul ΔU = (ρ × L × I) / S permet de vérifier le respect des limites réglementaires de 3% pour l’éclairage et 5% pour les autres usages. Cette vérification conditionne souvent la faisabilité technique du raccordement multiple envisagé.
Risques électriques liés au surdimensionnement des connexions
Le surdimensionnement des connexions électriques engendre des risques majeurs souvent sous-estimés par les non-professionnels. Le principal danger réside dans l’échauffement localisé des points de connexion mal serrés ou présentant une résistance de contact élevée. Ce phénomène, connu sous le nom d’effet Joule, peut porter les conducteurs à des températures dépassant 200°C, provoquant la dégradation de l’isolation et potentiellement un incendie.
Les statistiques des assureurs révèlent que 35% des incendies d’origine électrique domestique sont liés à des défauts de connexion dans les tableaux électriques. Le raccordement multiple non maîtrisé représente un facteur aggravant de ce risque, car il multiplie les points de défaillance potentielle. La corrosion galvanique peut également survenir lorsque des métaux différents sont mis en contact, créant une pile électrochimique génératrice de courants parasites.
L’arc électrique constitue un autre risque majeur associé aux connexions défaillantes. Ce phénomène peut atteindre des températures de 3000°C et générer des projections de métal en fusion. Les dispositifs de protection contre les arcs (AFDD) commencent à être intégrés dans la réglementation française pour détecter et interrompre ces phénomènes dangereux, mais leur efficacité dépend largement de la qualité des connexions amont.
Solutions alternatives conformes : bornes wago et répartiteurs modulaires
Bornes de connexion rapide wago série 221 et 773
Les bornes de connexion Wago représentent la solution de référence pour les raccordements multiples dans les installations électriques modernes. La série 221 utilise une technologie de ressort brevetée maintenant une force de contact optimale sur toute la durée de vie de la connexion. Ces bornes acceptent jusqu’à trois conducteurs rigides ou souples de 0,2 mm² à 4 mm² avec une intensité admissible de 32A, offrant une alternative sûre aux raccordements traditionnels sur disjoncteur.
La série 773 propose une solution encore plus compacte pour les applications nécessitant un encombrement réduit. Le système de levier facilite l’insertion et la déconnexion des conducteurs sans outil spécialisé, réduisant considérablement le temps d’intervention. Les tests de fiabilité démontrent une résistance de contact stable inférieure à 0,1 mΩ après 10 000 cycles de manœuvre, garantissant la pérennité de l’installation.
Répartiteurs tétrapolaires legrand 004880 pour circuits triphasés
Les installations triphasées nécessitent des solutions spécialisées pour la distribution des circuits. Le répartiteur tétrapolaire Legrand 004880 permet la connexion de quatre départs triphasés à partir d’une alimentation principale, avec une capacité de 125A par phase. Cette solution évite les raccordements multiples complexes sur les disjoncteurs tétrapolaires tout en maintenant l’équilibrage des phases.
L’intégration de ce type de répartiteur dans les armoires industrielles ou les installations tertiaires permet une gestion optimisée de la distribution électrique. Chaque départ dispose de sa propre borne de raccordement avec visualisation de l’état de connexion, facilitant la maintenance préventive et le dépannage. Le système tolère des sections de conducteurs de 1,5 mm² à 35 mm², couvrant la majorité des applications courantes.
Blocs de jonction ABB E259 pour applications industrielles
Dans le domaine industriel, les blocs de jonction ABB série E259 offrent une solution robuste pour les raccordements multiples de forte puissance. Ces dispositifs support
ent des capacités de raccordement jusqu’à 630A avec des sections de conducteurs allant de 10 mm² à 240 mm². La technologie de serrage par ressort garantit une pression de contact constante même sous contraintes thermiques élevées. Ces blocs intègrent des systèmes de test intégrés permettant la vérification de continuité sans démontage des connexions.
La modularité de ces systèmes permet l’adaptation aux besoins spécifiques de chaque installation. Les indicateurs visuels de connexion éliminent les incertitudes lors de la mise en service, réduisant les risques d’erreur humaine. La compatibilité avec les systèmes de surveillance numérique permet l’intégration dans les architectures de maintenance prédictive, optimisant ainsi la disponibilité des équipements industriels.
Installation de sous-tableaux électriques divisionnaires
L’installation de sous-tableaux électriques divisionnaires représente souvent la solution la plus élégante pour éviter les raccordements multiples problématiques. Cette approche permet de déporter la distribution vers les zones de consommation, réduisant les longueurs de câbles et améliorant la sélectivité des protections. Un sous-tableau 63A peut alimenter jusqu’à 12 circuits terminaux, offrant une flexibilité maximale pour les évolutions futures.
La mise en œuvre nécessite le calcul précis de la charge prévisionnelle et la vérification de la capacité du tableau principal. Le bilan de puissance global doit intégrer les coefficients de simultanéité et les facteurs d’utilisation pour dimensionner correctement l’alimentation du sous-tableau. Cette démarche préventive évite les surcharges et garantit la pérennité de l’installation.
L’intégration d’un interrupteur différentiel 30mA en tête du sous-tableau assure une protection optimale contre les défauts d’isolement. Cette configuration permet également l’installation de dispositifs spécialisés comme les parafoudres ou les délesteurs sans encombrer le tableau principal. La traçabilité des circuits s’en trouve grandement améliorée, facilitant les interventions de maintenance et les modifications ultérieures.
Les retours d’expérience montrent que cette solution génère un surcoût initial d’environ 15% par rapport aux raccordements multiples, mais cette investissement se justifie par la réduction des coûts de maintenance et l’amélioration de la sécurité globale. Les compagnies d’assurance reconnaissent d’ailleurs cette approche et peuvent proposer des réductions de primes pour les installations particulièrement soignées.
